ET MAINTENANT
Pour comprendre l'état désolant du son de nos jours, vous
devez remonter dans le temps. Auparavant, il y avait un système de
studios 'major' où une chaîne de corps de métier travaillait
ensemble pour livrer des produits filmés. Peu importe le studio pour
lequel on travaillait, chaque corps de métier comprenait qu'on attendait
de lui de prendre des mesures raisonnables dans leurs limites pour l'enregistrement
d'un bon son. C'était un fait acquis, comme inhérent à
leur profession. Ces devoirs étaient perpétués aux
jeunes apprentis. Les ouvriers coupaient finement les ombres de microphone
avec des drapeaux. Le département électrique changeait une
lampe bruyante qui vibrait. Les assistants caméra faisaient tout
leur possible pour réduire le bruit de la caméra, et la plupart
du temps, les cadreurs se couvraient rapidement eux-même et toute
caméra vraiment bruyante d'une couverture ou d'oreillers.
Chacun des autres corps de métier faisait tout ce qui était
jugé acceptable pour contribuer à obtenir un son de qualité,
parce que cela était considéré comme faisant partie
de leur travail. Personne n'avait besoin de les persuader de le faire. C'était
l'époque où une coopération raisonnable avec le département
son était la manière normale de faire de bons films.
De nos jours, les corps de métier sont toujours fiers de leur travail
mais il semble qu'ils NE considèrent PLUS l'assistance au son comme
faisant partie de leur profession. Les problèmes ont fait leur apparition
dès que le système des stages internes aux studios s'est effondré
et que les films indépendants non-syndiqués ont commencé
à se multiplier. Progressivement, la manière d'apprendre ce
que leur travail supposait changea la façon dont ils percevaient
le son direct.
À présent, les autres corps de métier ne pensent pas
qu'ils devraient faire quoique ce soit pour VOUS aider à avoir un
son de qualité pour VOTRE film. Il n'y a plus de système d'apprentissage
pour perpétuer ce savoir. Les nouveaux venus à un corps de
métier technique apprennent désormais le métier sous
la pression, par une sorte de processus d'osmose.
Ces mêmes corps de métier doivent maintenant être constamment
sollicités pour mettre en uvre les mesures raisonnables nécessaires
à la protection de VOTRE bande sonore parce qu'ils ne considèrent
plus cela comme faisant partie de leur métier.
L'équipe son couperait volontiers elle-même les ombres sur
le mur du fond ou couvrirait la caméra bruyante, mais ce n'est pas
comme ça que ça marche. Au lieu de cela, nous avons à
convaincre, motiver, contraindre, argumenter, et user de toutes autres techniques
psychologiques de persuasion pour obtenir des autres corps de métier
qu'ils nous aident à prévenir les problèmes sonores.
Le moment d'agitation de la dernière seconde sur un plateau ne devrait
servir qu'à résoudre les problèmes inattendus qui se
produisent inévitablement. Au lieu de cela, la dernière seconde
est trop souvent la première fois que le chef opérateur du
son découvre les changements de dialogue, la mise en scène,
ou s'aperçoit des bruits indésirables internes ou externes
au plateau.
Les autres départements travaillent tous sur ce qui est vu et non
pas entendu. Chaque personne présente sur le tournage, du maquillage
et des costumes aux ouvriers en passant par les accessoires, se concentre
uniquement sur ce qui est vu dans le viseur de champs.
À cause de cette vision obtus de la part des autres corps de métier
de tournage qui ne travaillent que pour l'image, personne ne sait ou ne
se soucie de ce qu'il advient de VOTRE son. Vous êtes la seule personne
sur le plateau qui puisse vraiment nous permettre de vous obtenir un bon
son. Il est toujours tentant pour le son de se soumettre et ne pas aller
contre la tempête quand les circonstances imposent des barrières
impossibles malgré des efforts en vain. Les écoles de cinéma
devraient inclure des cours de psychologie infantile à leur cursus
de prise de son.
Nous voulons que vous preniez conscience autant que possible du champ de
mines sonore sous-jacent sur chaque plateau. Ce qui peut ne vous paraître
qu'une suite de réclamations, est en fait une simple communication
d'informations sur ce que vous allez avoir sur votre bande son et sur les
problèmes sonores qui peuvent dès lors être résolus.
Ce sont VOS choix, en définitive, qui sont en cause. Ce n'est pas
parce que nous entendons un bruit que cela doit n'être que notre problème.
C'est votre problème aussi ! Après tout, nous vous retournons
la bande à la fin de la journée.
Après avoir lu ceci, nous espérons qu'il vous sera plus facile
de prendre une décision fondée quand une scène devra
être réellement post-synchronisée. Il est beaucoup trop
tard pour revenir sur un son catastrophique au moment de la post-production.
Même si cet aspect est le dernier dans la chaîne des événements,
nous commencerons en premier par évoquer pourquoi la post-synchronisation
n'est pas une solution.
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